Il signe la silhouette du navire qui l’arbore. Ainsi donc, la jonque hisse une ou plusieurs voiles rigidifiées par des lattes de bambou, des voiles qui dépassent légèrement en avant des mâts qui les élèvent. La jonque acquise par le centre social de Port-Neuf ne tire pas son originalité de cette seule garde-robe. Ce navire est aussi le pivot d’une action tournée vers des jeunes dont les parcours de formation ont buté sur des écueils. Un rôle qu’il se partage avec des pirogues polynésiennes non moins originales.
La jonque s’offre à un chantier de rénovation ; les pirogues, c’est de la construction neuve.
La première est mise au sec dans d’anciens locaux de la Scan (Société de constructions aéronavales) à Port-Neuf.
Tandis que les fameuses embarcations à balanciers naissent dans un local du foyer Saint-Antoine, à la Pallice.
Le matin, l’atelier est à l’ouest de la ville.
L’après-midi, il ouvre devant la rade.
Les onze jeunes qui ont été recrutés dans ce dispositif nommé «entreprise école» se répartissent les rôles de constructeur ou de rénovateur.
Mais les mercredis, les chantiers ne font plus qu’un, lorsque tous se retrouvent pour débriefer leur apprentissage du travail en groupe, mais aussi pour naviguer ensemble sur des pirogues.
Le chantier d’insertion Remise à flot, du centre social de Port-Neuf doit beaucoup, pour ne pas dire tout, à deux tempêtes.
Celle qui défraya la chronique en 1999.
En 1999, le directeur du centre social, Olivier Doublet, se demande comment intéresser le public masculin aux dispositifs d’insertion que propose le centre.
Les dégâts subis par un voilier de 6,50 m lors de décembre, vont lui proposer une carte maîtresse.
Les hommes vont la retaper dans le garage du centre social. Et pas peu fiers, les ouvriers, de redonner vie à ce Golif, modèle star de la plaisance des années 60.
Remise à flot naîtra en 2003, dans la continuité de cette première impulsion, lorsque la régie du port de plaisance confiera au centre social la gestion de son port à sec, à Port-Neuf.
L’équipe étoffera donc alors ses compétences et déplacera son atelier de restauration sur le même site, dans d’anciens locaux de la Scan (usine d’hydravions) et le voisinage du chantier Fountaine-Pajot.
En 2005, un nouveau projet, toujours lié au nautisme se décline. Grâce au savoir-faire en matelotage d’une habitante du quartier, les chutes de voiles sont transformées en élégants sacs à mains.
La belle idée devient une petite affaire. En mars 2010, la marque Remise à flot – se rapportant à cet artisanat de la récupération – était déposée à l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi).
Voilà pour les premières années du chantier. Et l’on en arrive à la seconde tempête reliée à Remise à flot : Xynthia, qui a laissé pour morte sur la rive droite du chenal de la Perrotine cette jonque de 12 mètres que retapent aujourd’hui de jeunes volontaires.
Ils ont échoué sur leurs parcours de formation. Un parcours de formation inachevé, boiteux, inadapté.
Qualifiez ces années comme vous le souhaitez, le résultat est identique pour chacun : une dose de galère, un soupçon de petits boulots, et une vie plombée par le chômage.
Il permet surtout au jeune de reprendre confiance en lui. Trouver ou retrouver le goût de l’effort partagé. D’où, aussi, les sorties sportives du mercredi, pour la cohésion.
L’histoire de jeunes d’une vingtaine d’années qui ont raté leurs études ou que les études n’ont pas captées, ne se résume pas à leur détection par la Mission locale, suivie d’un entretien de recrutement mené par les responsables du centre social (il y avait trente candidats).
Il faut s’attacher à la dénomination du projet «entreprise école» pour saisir. Ces jeunes sont des salariés (NDLR, de Remise à flot, l’entreprise d’insertion du centre social), ils signent un contrat à durée déterminée de six mois.
Recrutés en février, sur le chantier depuis la mi-mars. Objectif : remettre la jonque victime de Xynthia en état (lire par ailleurs) et lui faire goûter la vague dès la fin du printemps.
Elle pourrait alors mettre le cap sur une autre aventure dont les contours sont en cours de définition au centre social : embarquer en stage d’autres jeunes frappés par d’autres revers.
Sur cette jonque présentée comme «une opportunité valorisante», Johanna, Cédric, Étienne, Mathieu et Pipiena rénovent des aménagements intérieurs salis par la submersion.
Sur la coque au profil ventru, ils refont la liaison avec la quille, merveille de bois exotique poncée. Et, si les mâts sont bien là , il restera à concevoir tout le gréement.
Le centre social s’est offert ce bateau que son propriétaire ne voulait plus, et a bouclé le budget global du projet pour environ 60 000 euros, avec le concours des collectivités territoriales. S