«Le vin de La Rochelle est fort et sec et de douce saveur, et il affecte considérablement celui qui en boit beaucoup, à la tête et au corps, mais il délivre bien le ventre, c’est la raison pour laquelle les médecins conseillent de le boire au coucher», notait, au XIIIe siècle, le moine anglo-normand Jofroi de Waterford, dans un ouvrage consacré aux grands vins. Un grand vin, à La Rochelle?
S’il y a belle lurette que les vignes ont disparu du paysage rochelais, elles ont enrichi la ville plusieurs siècles durant.
La viticulture fut ainsi, en partie, à l’origine de l’essor du commerce maritime rochelais, quasiment dès la naissance officielle de la ville, vers 1130, après la chute de Châtelaillon.
On cultiva pourtant la vigne bien avant le Moyen Ãge sur cette terre.
Les villas antiques fouillées par les archéologues ont révélé les traces de bassins, où l’on foulait du pied le raisin pour en extraire le jus.
Mais ce n’est que bien des siècles plus tard que le pays rochelais s’habilla de feuilles de vignes.
En 1246, le terrier du grand fief d’Aunis, le registre des seigneuries établi sur ordre d’Alphonse de Poitiers, indiquait que les vignes couraient des marais de la Sèvre à la forêt de Benon.
Le premier grand vignoble de l’Aunis apparaît vers le XIIe siècle.
Deux marchés importants se développèrent en parallèle à La Rochelle : le vin et le sel, tous deux favorisés par le soleil et l’océan.
«Sachez qu’il y a dans le royaume abondance de vin en trois endroits : La Rochelle, Beaune et Auxerre», écrivait le moine italien Salimbene, en 1248, témoignant de l’importance du vignoble rochelais, qui englobait en fait l’Aunis.
L’accès direct à l’océan, justement, était la force de La Rochelle, tandis que les passes de la Gironde, qui rendaient la navigation difficile, faisaient la faiblesse de Bordeaux.
Dès l’époque médiévale, plus d’un millier de voiliers au ventre emplis de tonneaux quittaient chaque année le port rochelais, faisant cap vers les îles Britanniques et les pays d’Europe du Nord, premiers acheteurs du vin d’Aunis.
L’exportation franchit un cap à la fin du XIIe siècle, alors que La Rochelle est passée, depuis 1154, sous la suzeraineté anglaise. S