De janvier à mai 2012, la journaliste franco-roumaine Ana Dumitrescu a sillonné la Grèce pour rechercher une incarnation des tourments qui secouent le pays. Elle présente son documentaire, « Khaos », au fil de quatre rencontres à Royan, ce lundi, Cognac, mardi, Barbezieux, mercredi, et Chasseneuil, jeudi. Interview.
Qu’est-ce qui vous a amené à vous pencher sur la Grèce ? Ana Dumitrescu. Tout simplement l’urgence que vit actuellement la Grèce et, à travers elle, l’Europe entière. On parle d’austérité, de crise, il y avait urgence à donner un visage à cette crise, son impact concret sur la population. Ces problématiques concernent aussi l’Italie, le Portugal, et nous aussi en tant que Français.
Avec quelle idée de départ partiez-vous ? Je n’avais pas d’idée préconçue. Je suis même partie du postulat que peut-être, il n’y avait rien…
Ce film part à la rencontre des Grecs. Je n’ai pas cherché quelque chose de précis. D’ailleurs, la crise n’est pas visible au premier regard, quand on vient de France. C’est une guerre économique, on ne voit pas directement de morts… Il faut du temps pour comprendre. J’ai pris une voiture pour traverser le pays. J’ai vu des gens qui ne se connaissent absolument pas.
Dans ce pays, le taux de suicide a été multiplié par deux en peu de temps.
Oui. Une des scènes les plus frappantes, c’est une personne désespérée qui tente de sauter d’un bureau alors qu’elle vient d’apprendre qu’elle va perdre son travail. Il suffit de marcher dans les rues pour tomber sur ce genre de scènes.
Le taux de suicide en Grèce était un des plus bas d’Europe. La situation s’est retournée en quelques mois. Parmi les personnes qui se retrouvent totalement démunies, certaines se tournent vers le suicide, d’autres vers l’exil, d’autres encore vers un changement de vie. Il y a autant de situations que de visages.
Adoptez-vous une dimension militante, à traver votre documentaire ? Non. Ce film s’adresse à tout le monde. Il ne prône aucune solution. Il s’agit d’une prise de conscience, c’est une photographie de la société.
Je n’ai pas voulu faire un film prêt-à -penser. Chacun est libre d’en tirer sa réflexion. Aujourd’hui, le mot militant est malheureusement mis à toutes les sauces.
Les quatre séances dans les deux Charentes sont organisées avec Attac. Oui, mais au moment du débat, je suis seule. Il n’y a pas de partenariat avec le film, c’est simplement une programmation citoyenne. Moi, j’invite à la pluralité des échanges. Vu de France, on n’est pas dans la même réalité.
On parle beaucoup d’autogestion, mais en Grèce, elle prend un sens différent. C’est une question de survie, pas d’idéologie.
En France, on a encore ce choix idéologique entre la croissance, la décroissance par exemple. On ne peut pas juger les Grecs avec nos repères à nous.
L’Europe est un patchwork avec des situations différentes.
Ressentez-vous un intérêt particulier pour ce qui se passe en Grèce de la part du public français ?
Oui. Le film est sorti le 10 octobre, il est encore en seizième semaine dans une salle parisienne. On est onzième en nombre d’entrées sur les documentaires sortis en 2012. Les Français ont envie de savoir ce qui se passe là -bas.
J’ai participé à une soixantaine de débats, chaque rencontre est différente. Moi-même, j’y apprends encore des choses.
« Khaos, ou les visages humains de la crise grecque », d’Ana Dumitrescu, projection-débat en présence de la réalisatrice, aujourd’hui lundi, à 21 heures, au cinéma de Royan. Tarif habituel.